Loisirs & découvertes
 Longchaumois – Haut-Jura

LOISIRS & DECOUVERTES, lONGCHAUMOIS – HAUT-JURA


Lacuzon

lacuzon histoireC’est en 1674 que la Franche-Comté (Jura, Doubs, Haute-Saône et territoire de Belfort) fut rattachée à la France, après 39 années de guerre dont Lacuzon fut le héros.
Claude Prost, dit Lacuzon, est né à Longchaumois en 1607 de parents cultivateurs et, n’ayant pas la vocation paysanne, il descendit à Saint-Claude où il exerça (peut-être ?) le métier de cordonnier. Marié à Jeanne Blanc le 31 octobre 1632 avec qui il eut 2 filles, il semblait conduit à une vie rangée de petit artisan à l’ombre de la célèbre abbaye sanclaudienne.

1636 : Sa destinée bascule
Le cours de sa vie changea avec la guerre que Richelieu, alors ministre de Louis XIII, déclenche contre la Maison d’Autriche pour annexer la Franche-Comté. Lorsque Dole est assiégée par 18000 hommes, sous la conduite du Grand Condé, Claude Prost est mobilisé avec une troupe de Sanclaudiens et son ascendant sur les soldats ne va pas cesser de grandir. Hardi mais prudent, il est bientôt surnommé « La Cuson », en patois « le souci ».

1636-1642 : Une période abominable
La Franche-Comté est presque totalement occupée par les Français aidés des mercenaires suédois. Seules Dole, Salins, Besançon et Gray résistent. C’est la période la plus terrible qu’on puisse imaginer. Les « gris » ravagent, pillent, incendient, tuent et commettent les pires horreurs contre ceux qui leur résistent. De plus, la famine et la peste déciment la population et le pays semble devenir un désert. C’est à cette époque que la carrière militaire de Lacuzon prend son envol. Il mène une lutte implacable contre les « gris » de Lespinassou dans la région de Lons et de Bletterans.

Lacuzon « prend du galon »
En 1637, il rallie « la terce », une unité régulière de 1000 cavaliers et 2000 fantassins commandée par le baron d’Arnans. Ce dernier délègue alors à Lacuzon la garde d’un poste de grande importance stratégique commandant l’accès de la vallée de la Bienne à Vaux-les-Saint-Claude.
Mais en 1639, la situation est des plus critiques : les Comtois sont submergés et ne tiennent plus que quelques places fortes, dans le secteur montagneux surtout. Ils ne peuvent ainsi empêcher le sac et l’incendie de Saint-Claude. Pourtant, l’ennemi se retire rapidement de ces rudes montagnes du Haut-Jura trop difficiles à tenir en occupation et… Lacuzon reprend le contrôle de la situation. Son rôle alors terminé, d’Arnans quitte la Franche-Comté, tout en faisant octroyer à Lacuzon le commandement du château de Montaigu.

Le château de Montaigu devient sa résidence
1642 : Lacuzon s’est installé dans les ruines de son nouveau château, véritable nid d’aigle surplombant Lons-le-Saunier et la plaine occupées. Bien remise en état, sa forteresse semble imprenable par l’ennemi, ce qui lui vaut de chaudes félicitations du gouverneur et du Parlement de Dole.
Pendant de longues années, jusqu’à la conclusion du traité de paix des Pyrénées de novembre 1659 qui confirme l’appartenance de la Comté à la Maison d’Espagne, la situation demeure confuse. Quelques raids et coups de main ravagent surtout les régions frontières ; en 1644, Turenne s’empare de Baume-les-Dames, Vesoul et Luxeuil.
Pour Lacuzon, ce sera une grande époque de sa carrière. De Montaigu, où il s’est installé avec femme et chapelain, il ne cesse de harceler les communications de l’ennemi. A cette époque il s’empare du château fortifié de Saint-Laurent la Roche qui commande l’accès du Revermont et qui était occupé par les Français depuis 1637. La prise de cette place forte a un grand retentissement politique en Franche-Comté et, en 1642, le Roi d’Espagne accorde officiellement à Lacuzon la capitainerie et le commandement de ce château.

Un véritable seigneur
S’étant beaucoup enrichi, notre héros franc-comtois vit sur le pays comme il est alors admis à l’époque, pillant les convois ennemis et libérant contre de fortes rançons ses nobles prisonniers…
En 1643, âgé de 36 ans et après 7 années de guerre, il a une situation exceptionnelle. Parti simple soldat, il est maintenant gouverneur des châteaux de Montaigu, Saint-Laurent et Arlay. Sa présence derrière les murs fortifiés rassure la population qui reprend courage, mais ses activités militaires se limitent de plus en plus à la répression des pillages et abus commis par des bandes de soldats déserteurs.
Par contre, sa générosité reste intacte et il la manifeste parfois avec ostentation, faisant par exemple un don considérable de 500 F à Saint-Claude pour la remise en état d’une chapelle brûlée par les « gris », y ajoutant 100 écus pour une fondation de messe perpétuelle… C’est à cette époque aussi qu’il achète, à Montaigu, une importante propriété où il fait construire une belle maison et, en 1651, il s’y installe définitivement avec sa femme et ses deux filles.

Lacuzon n’est pas toujours irréprochable…
Pendant toutes ces années, il règne un peu en satrape oriental sur ses capitaineries et il lui arrive, hélas de commettre de nombreux abus… Naturellement « galant », il n’hésite pas à violenter les femmes qui lui résistent : bref, il se crée alors de nombreux ennemis. Des plaintes sont portées contre lui au Parlement de Dole et il est arrêté, emprisonné quelque temps à la conciergerie. On lui confisque son château de Saint-Laurent, son procès est instruit et suivi avec passion et les plaintes, graves ou futiles, s’accumulent. Mais Lacuzon a des amis dévoués et on se souvient en particulier des services rendus…
Finalement, le 22 novembre 1659, il est absous par le Roi d’Espagne, par le Parlement de Dole et acclamé par le sentiment populaire. Saint-Laurent la Roche lui est restitué. Et comme le traité de paix des Pyrénées vient d’être signé (le 7 novembre), les Français évacuent les territoires qu’ils occupent.

La paix ne sera pas durable
Louis XIV, roi de France depuis 1643, n’a pas renoncé à cette province de l’Espagne, mal gouvernée par la reine Marie-Anne d’Autriche. Celle-ci ne fait rien pour renforcer les défenses ni galvaniser le patriotisme de ses habitants. Emoussés par 24 années de luttes épuisantes, les Franc-Comtois sont de plus en plus divisés. Un fort parti de la noblesse penche de plus en plus du côté de la France et Lacuzon a du mal à obtenir munitions, soldats et subsides.
En 1668, Condé entre en Franche-Comté avec 20 000 hommes et s’empare de Besançon, Salins, Dole et Gray. Toutes les autorités sont prêtes à prêter serment à Louis XIV.
Lacuzon est sommé par le nouveau gouverneur français de remettre son château de St-Laurent aux troupes royales et de venir faire sa « soumission officielle ». Il prête serment, revient à St-Claude, prêt à passer en Suisse si les Français lui voulaient du mal. Ces derniers détruisent de fond en comble ses châteaux de Montaigu et de St-Laurent.

Nouveau coup de théâtre
Le 2 mai 1668, le nouveau traité de paix signé à Aix-le-Chapelle restitue, une fois de plus, la Franche-Comté à l’Espagne, mais c’est désormais une province divisée entre « résistants » et « collaborateurs » que notre héros franc-comtois doit défendre.
La Cour d’Espagne envoie alors  un gouverneur flamand, le Prince d’Arenberg, qui fait immédiatement appel à …Lacuzon dont il a appris la fidélité et les capacités. Il lui confie le commandement d’un baillage dont Lons est le centre, avec des pouvoirs quasi absolus.
Pendant six nouvelles années, Lacuzon va jouir de la confiance totale et méritée du gouverneur espagnol. Il s’efforce de vaincre l’apathie, voire l’hostilité de la population, tente de reprendre la lutte, et doit venir à bout d’un certain marquis de Listenois. Celui-ci, à la tête d’une importante faction de la noblesse comtoise, ne pourra pourtant venir à bout de Lacuzon, s’enfuit finalement et se réfugie en France.

Derniers soubresauts d’une guerre qui n’a que trop duré
1673 : La guerre n’est pas loin et le Roi Soleil sait bien qu’il peut compter désormais sur de nombreux partisans. Il envoie une armée considérable et fait capituler Besançon. Le 4 juin 1674, la ville de Salins est, elle aussi, investie par les troupes du Duc de Luxembourg : ce sera l’ultime bataille qui clôturera la conquête définitive de la Franche-Comté. Lacuzon tente désespérément de résister encore mais, sous la pression des notables salinois, une trêve est conclue.
La Franche-Comté est aux abois, mais elle a fait payer cher au Roi de France sa conquête finale, et son honneur est sauf…
Lacuzon aurait pu se retirer tranquillement à Montaigu. Mais, à 67 ans, il ne peut se résigner à voir le drapeau « fleur de lys » flotter sur son Haut-Jura et à devenir la cible désarmée des rancunes accumulées contre lui…
Il décide de se réfugier à Milan, citadelle espagnole. Il fait ses adieux à sa famille qu’il laisse à Montaigu ou à Saint-Claude et rédige son testament. Il se sépare de Denise Gobet, « sa jeune et accorte gouvernante » qui lui sert de « femme de campagne ». Et, 9 mois après, celle-ci déclarera la naissance illégitime d’un fils dont elle attribue la paternité à Lacuzon…
En 1678, arrivé à Milan, il reprend la lutte en dirigeant une expédition contre les Siciliens révoltés. Et c’est le 17 septembre de cette même année que La Paix de Nimègue consacre l’annexion de la Franche-Comté et rétablit la paix entre la France et l’Espagne: Lacuzon peut rentrer librement dans son pays natal.

Les derniers jours de Claude Prost
Lacuzon, alors âgé de 72 ans, revient dans le Jura à la fin de 1679. Sa femme y est morte, ainsi que Anne-Marie, sa fille préférée. De plus, l’attitude de son gendre, qui s’est rallié avec sincérité à la France, lui semble une forfaiture. Il refuse donc de rester dans cette Franche-Comté qu’il considère toujours comme injustement occupée et décide de retourner à Milan.
Il marque un temps d’arrêt à Longchaumois , son village natal, puis quitte définitivement le Jura. Il meurt à Milan le 21 décembre 1681, entouré de ses camarades d’exil.

Telle fut la destinée du Capitaine Lacuzon. La légende s’en est emparée, l’a embellie, déformée, et le Lacuzon du célèbre roman de cape et d’épée de Xavier de Montépin « Le Médecin des Pauvres » n’a pas grand chose de commun avec le brave soldat loyal et malheureux qu’il fut réellement. Mais Lacuzon est un nom qui résonne en Franche-Comté comme l’écho fidèle de la fameuse devise :

« COMTOIS RENDS-TOI : NENNI MA FOI »

Bibliographie :

LACUSON de FONVILLE

LACUSON de LAUTREY

L’Histoire de la Terre et de l’Abbaye de Saint-CLaude de Don BENOIT

 

Pour plus d’informations :

Capitaine Lacuzon